Sitemap

Apprentissage post Covid : 2 occasions en or de sortir l’école du XIXe siècle

5 min readJul 7, 2020

lire l’article précédent

La grippe vient bousculer la routine et les schémas établis en faisant voler en éclat le monopole de la salle de classe, tout à fait adapté à la société paysanne, sédentaire et peu informée du XIXe, et donc tout aussi inadapté à une société urbaine, hyper-informée, mais manquant d’attention à l’essentiel.

La sortie du confinement, qui a rendu “citoyen” ce qui était déviant et obligatoire ce qui relevait de l’expérimental, est maintenant l’occasion de réfléchir à une remise à plat du système. Car cette crise a permis de dissocier Ecole et Education, deux termes jusque là pensés indissolublement.

2- école à la maison pour les familles?

Du jour au lendemain, littéralement, l’école à la maison, considérée jusque là comme un acte déviant est devenu une injonction gouvernementale et un acte citoyen. C’est une occasion unique de se pencher sur ce phénomène pour en analyser les bienfaits et les limites.

Du côté des bienfaits, il y a la reconnaissance forcée que les parents sont les éducateurs premiers et naturels des enfants, sujet jusque là quasi tabou puisque les parents ne sont pas vraiment les bienvenus dans le sanctuaire de l’école, en comparaison de ce que déclare par exemple l’école publique en Allemagne :

“une école, c’est des enfants, des professeurs et des parents.”

Du côté des limites, il y a le constat que les parents ne sont pas égaux devant ce rôle et reconnaître que l’école doit prendre en compte la situation familiale. Après tout, notre calendrier scolaire a été inventé pour la France paysanne de la fin du XIXe. Il témoignait d’un pragmatisme visiblement disparu: on savait sans doute que les parents employaient les enfants aux travaux des champs et qu’il était inutile d’ouvrir l’école de juillet à septembre. Avec moins de 4% de paysans dans la population active et une majorité de parents au travail, il semblerait désormais logique de ne fermer les classes que pendant les 6 semaines de congés payés. Cela permettrait une plus grande régularité de l’apprentissage, à condition aussi d’en revoir les modalités. Et puisque les infrastructures et les activités sportives et artistiques dépendent des mêmes ressources et sont assujetties à la même administration, on pourrait imaginer une meilleure coordination entre ces différents aspects de l’éducation.

En confiant brutalement aux familles et aux classes virtuelles l’éducation des masses, l’état ouvre une bêche dans un appareil dont la modalité pédagogique n’a grosso modo pas évolué depuis sa mise en place à la fin du XIXe. Malgré la ribambelle de réformes, tout change mais rien ne bouge dans le monopole éducatif. Il méconnaît, voire méprise les ressources culturelles à disposition du grand public. Il sous emploie les potentialités de la technique et de son corps enseignant. La sortie du confinement, qui a rendu “citoyen” ce qui était déviant et obligatoire ce qui relevait de l’expérimental, est maintenant l’occasion de réfléchir à une remise à plat du système.

Il est hélas probable que le retour à la normale s’accompagne plutôt des congratulations d’usage envers la corporation: résilience du système, capacité d’adaptation, disponibilité voire abnégation. Il serait préférable qu’il n’y ait pas de retour à la normale, mais qu’on mette sur la table les deux grandes questions:

1- comment rendre les maîtres efficaces dans l’apprentissage et assurer ainsi l’égalité d’accès au savoir et aux emplois?

2- comment redonner confiance aux familles, en les assurant que l’école donnera un avenir à leur enfant ?

La paix sociale est à ce prix. Démocratie, c’est “démopédie” nous rappelle Proudhon. Or l’école de la République n’est pas devenue plus démocratique, et cet échec fragilise grandement la démocratie elle même.

Je me rallie sans réserve aux hommes honnêtes de tous les partis, qui, comprenant que démocratie c’est démopédie, éducation du peuple; acceptant cette éducation comme leur tâche et plaçant au-dessus de tout la LIBERTÉ, désirent sincèrement, avec la gloire de leur pays, le bien-être des travailleurs, l’indépendance des nations , et le progrès de l’esprit humain.
Pierre Joseph PROUDHON, la révolution sociale démontrée par le coup d’Etat

Devant la faillite du système, doit on s’empêcher de penser à des solutions? Doit on s’empêcher d’espérer que la crise actuelle, en ouvrant les yeux du public sur la nudité de l’empereur, soit l’occasion de changer avec courage et imagination?

Certains s’y emploient déjà. Une proposition de loi a été déposée : elle consiste à ajouter “obligatoirement” après “est” au 2e alinéa du § L131–2 du code de l’éducation qui prévoit :

“Dans le cadre du service public de l’enseignement et afin de contribuer à ses missions, un service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance est organisé .

Et voilà! retour au pays de l’obligatoire et de l’universel.

On hésite entre se réjouir d’un tel choc de simplification du travail réglementaire ou déplorer la pauvreté d’une réflexion qui relève quasiment de la pensée magique. Le grand avantage de rendre obligatoire est d’éviter de penser, ce qui libère du doute et peut permettre l’action. Mais l’inconvénient du mode obligatoire est aussi d’empêcher de penser et donc de chercher à comprendre le problème, se privant donc d’imaginer des solutions.

L’inconvénient de l’universel est qu’il risque vite de se limiter à des abstractions, loin des besoins réels que représentent les cas particuliers. Nous avons ainsi une école parfaite pour les enfants sans problèmes, qui s’en sortiront de toutes façons. En revanche, les enfants handicapés, les décrocheurs, ou les précoces, bref, tout ceux qui sont aux marges de la “distribution normale” sont plutôt mal traités par le système.

Pendant ce temps, l’enseignement supérieur (il est vrai confronté à la concurrence des flux internationaux d’étudiants) se remet en cause, comme en témoigne la mobilisation autour de l’hybridation des parcours. Stéphane Barbati, fort de son ancrage Marseillais, rend compte dans sa lettre d’information des ambitions du réseau européen CIVIS, des projets du programme d’investissement d’avenir, et du bon sens des enseignants qui cherchent à dépasser le faux débat qui oppose présentiel et distanciel, exprimé par la pétition contre le 100% numérique.

Je suis preneur de vos témoignages sur des réussites ou des projets qui font sortir l’école du XIXe, sans polémique idéologique et pour la réussite de tous.

Si vous trouvez ce point de vue intéressant, vous pouvez le rendre plus visible par vos applaudissement au sein de la communauté francophone de Medium (bouton clap à votre gauche, possible jusqu’à 50).

Jean Baptiste Ballif

--

--

Jean Baptiste Ballif
Jean Baptiste Ballif

Written by Jean Baptiste Ballif

Self change is World change. Lessons learned from confronting the wisdom of books to my actual experience as a soldier, a father, and a kaizen addict.

No responses yet